Economie de l'apocalypse : Trafic et prolifération nucléaires (Documents) (French Edition) by Jacques Attali

Economie de l'apocalypse : Trafic et prolifération nucléaires (Documents) (French Edition) by Jacques Attali

Auteur:Jacques Attali [Attali, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2014-03-31T23:00:00+00:00


Le nomadisme de la matière grise

Le troisième facteur de production est l'expertise. C'est celui dont il est le plus difficile de contrôler les mouvements sans remettre en cause le principe même de libre circulation des hommes et des idées, et donc de la démocratie.

Dans tous les pays, de tout temps, c'est le plus souvent en vain qu'on a voulu contrôler les mouvements des savants ou surveiller le type d'enseignement qu'ils recevaient ou dispensaient, le type de documents qu'ils échangeaient.

Quels sont aujourd'hui les faits ?

De par le monde, un demi-million d'experts nucléaires voyagent, vont en stage ou participent à des séminaires, plus facilement encore depuis la fin de la guerre froide. Il est à l'évidence impossible de les suivre à la trace. Ainsi les 700 experts qui travaillèrent naguère à la construction de l'arme nucléaire en Afrique du Sud se sont-ils volatilisés sans laisser d'adresse. Le seul pays sur les experts duquel s'exerce actuellement un strict contrôle international est l'Irak où la carrière de 150 d'entre eux est surveillée de près.

Certes, les puissances nucléaires contrôlent leurs propres savants et ce sont sans doute les gens les moins libres d'exercer leurs droits constitutionnels, y compris même au sein des démocraties ; mais ce contrôle implique que leur statut social leur permette de résister à l'attrait et à la concurrence de pays « proliférants ».

C'était particulièrement le cas en URSS où le complexe nucléaire employait un million d'hommes, dont 100 000 scientifiques parmi lesquels 3 000 maîtrisaient parfaitement la conception de l'arme nucléaire, 5 000 participaient à l'enrichissement du plutonium, et de 10 à 15 000 connaissaient des informations classées secrètes. Une politique spécifique permettait de surveiller cette population. Même s'il n'y eut jamais de franche discrimination envers telle ou telle nationalité, l'essentiel du personnel de ces centres était russe. Aujourd'hui, les 3 500 spécialistes que compte la Russie sont encore très surveillés.

Un grand nombre d'entre eux sont cependant tentés de partir et peuvent le faire : leur salaire mensuel équivaut en moyenne à 100 dollars et ils le perçoivent souvent avec plusieurs mois de retard. Le salaire d'un professeur de physique nucléaire russe représente la moitié du salaire d'un conducteur de bus. Le 28 juillet 1994, 350 employés de la centrale nucléaire de Smolensk et 150 de celle de Kola (Sibérie) ont fait grève : ils n'étaient plus payés depuis trois mois. En juin 1994, 7 369 employés de Tcheliabinsk ont écrit au Président Eltsine pour se plaindre du manque de matériel, d'instruments et de vêtements spéciaux, des coupures de gaz et d'électricité pas toujours notifiées, des risques croissants d'avaries.

Pour éviter leur départ vers des États « proliférants », l'Occident tente d'organiser leur conversion dans des activités civiles. À l'initiative du gouvernement allemand, un Centre international des sciences et technologies (CIST) a été créé à Moscou afin de reconvertir dans des recherches à des fins pacifiques les chercheurs qui avaient participé aux programmes soviétiques d'armes de destruction massive. Ce centre, opérationnel depuis mars 1994, a reçu environ 75 millions de dollars des États-Unis, du Japon et de l'Union européenne.



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